Porte-parole de l’Association de voyageurs usagers de chemins de fer (AVUC), Willy Colin dénonce le manque de transparence et de concertation des responsables des transports ferroviaires.
L’AVUC a lancé le 5 décembre « Du big bang au big bug », un site qui recense les doléances des particuliers affectés par les nouveaux horaires des trains. Quels sont les principaux problèmes dont vous font part les usagers ?
Depuis lundi, nous avons collecté des centaines de doléances. Elles portent essentiellement sur les décalages horaires, les suppressions de trains et les ruptures de correspondance introduites par les nouvelles grilles. Autant de changements qui affecteront durement le quotidien des usagers.
Prenez cet adulte en reconversion professionnelle qui nous a récemment contactés. Il part tous les jours à 7 h 03 de la gare de Domfront-en-Champagne pour se rendre au Mans. A compter du 11 décembre, son train sera supprimé. Pour continuer à assister à ses formations, il sera obligé de venir en voiture, ce qui engendrera un surcoût quotidien en carburant. Le changement d’horaires risque de lui coûter cher, autant en termes professionnels que sur le plan familial. Des témoignages comme celui de cet usager, nous en recevons toutes les cinq minutes sur le site.
Vous dénoncez une remise à plat des horaires sans concertation et même un « passage en force » de Réseau ferré de France (RFF) et de la SNCF. Pourtant des comités de ligne rassemblant élus, associations et exploitants ont été mis en place pour tenir compte des remarques de chacun. Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné selon vous ?
C’est vrai que des discussions ont eu lieu. Des centaines de réunions se sont tenues à travers la France. Le problème, c’est que les usagers n’ont pas été entendus. Ils ont fait les frais de la sourde guerre que se mènent depuis des années RFF et la SNCF. Leur représentants au sein des comités de ligne ont passé leur temps à se refiler la patate chaude, n’apportant aucune réponse concrète aux difficultés que nous soulevions sur les dessertes, par exemple.
En ce qui concerne les nouveaux horaires, nous n’avons été informés qu’au mois de juin. Aucune étude d’impact n’a été menée pour analyser les conséquences de ces changements. Cela m’a été confirmé vendredi 2 décembre au cours d’une réunion informelle par Guillaume Pépy et Jean-Pierre Farandou, respectivement PDG de la SNCF et directeur général de SNCF Proximités. Il est clair que la logique technocratique l’a emporté sur la concertation et le pragmatisme.
Une médiatrice, Nicole Notat, a pourtant été nommée par la SNCF et Réseau ferré de France (RFF) pour désamorcer les conflits entre usagers, élus locaux et exploitants. L’AVUC, qui était partie prenante des discussions, a « claqué la porte ». Pourquoi ?
En nommant une star des relations sociales comme Nicole Notat à quelques jours du grand chambardement, RFF et la SNCF ont voulu faire un coup. C’est cette opération de communication que nous dénonçons, d’autant que Nicole Notat n’est pas une spécialiste des questions ferroviaires. Elle nous a clairement fait comprendre qu’elle n’avait « pas de baguette magique ». Dans ce cas, la messe est dite. A quoi bon discuter ?
Que demande l’AVUC aux responsables de RFF et de la SNCF aujourd’hui ?
Nous ne sommes pas oppposés à une meilleure lisibilité des grilles, aux travaux ou aux lignes à grande vitesse (voir notre article). Ce que nous demandons, c’est une remise à plat complète qui tienne compte des difficultés soulevées par les usagers. Il faut que RFF et la SNCF prennent le temps d’étudier l’impact des changements annoncés. Pour cela, nous avons besoin d’une vraie concertation. C’est pour cela que nous rendrons publiques les doléances que nous ont confiées les usagers.
Jusqu’à maintenant, RFF et la SNCF ne nous ont pas tenu un discours de vérité. Il existe une face cachée du « big bang » dont on parle peu et qui est liée à la libéralisation des transports ferroviaires en Europe, appliquée en France depuis 2010 avec la fin du monopole de la SNCF. Le cadencement va permettre à terme de faire circuler plus de trains. Ce n’est pas un hasard si le changement d’horaires coincide, dimanche 11 décembre, avec la mise en service du premier train privé entre Paris et Venise.
Propos recueillis par Elise Barthet