Le gouvernement va s’inspirer du secteur de l’électricité pour réorganiser les chemins de fer français. RFF sera réintégré dans le giron de la SNCF.
Quatre mois avant la fin de son mandat à la tête du groupe SNCF, le dirigeant peut se féliciter d’avoir convaincu les membres du gouvernement que son groupe était le mieux placé pour reprendre sous son aile le gestionnaire d’infrastructures, RFF, géré de manière indépendante depuis sa création, en 1997.
Pendant des mois, les dirigeants de l’opérateur ferroviaire et ceux du gestionnaire du réseau se sont livrés à une bataille d’arguments sur la manière de rendre le système ferroviaire plus rationnel et plus vertueux. Guillaume Pepy a «labouré» son message auprès des médias, des parlementaires, des instances européennes. Il a même fini par agacer le nouveau ministre des Transports en lui glissant sa feuille de route sous le nez à son arrivée. Frédéric Cuvillier a déclaré en aparté que cette prochaine réforme ne serait pas la «réforme Pepy» mais un projet «à la française». Celui-ci sera pourtant assez proche du schéma de Guillaume Pepy.
Mardi, selon nos informations de source gouvernementale, le ministre des Transports va annoncer la réintégration de RFF dans un nouveau pôle public unifié dont l’organisation sera calquée sur celle mise en œuvre dans le secteur de l’électricité: EDF SA, la maison mère, possède une filiale, RTE, créée en 2005, qui gère le réseau de transport d’électricité de manière indépendante avec la bénédiction de Bruxelles. C’est aussi une SNCF SA qui pourrait chapeauter une filiale RFF qui réunira les effectifs de la branche infrastructure de la SNCF, ceux de la direction des circulations ferroviaires et ceux de RFF, soit près de 50.000 personnes.
«Gestionnaire d’infrastructure unifié»
Cet ensemble donnera tout son sens au concept de «gestionnaire d’infrastructure unifié» qui a fait consensus aussi bien à la SNCF que chez RFF. Jusqu’à présent, le fonctionnement du gestionnaire d’infrastructure était ubuesque: la direction des circulations ferroviaires composée de salariés de SNCF, mais gérée de façon indépendante, conçoit les horaires de train et régule leur circulation. Ce sont aussi les salariés de la branche infra de la SNCF qui réalisent les travaux de modernisation du réseau pour le compte de RFF. La rationalisation du système qui va mettre plusieurs mois, voire plusieurs années, à se mettre en place doit permettre de réaliser des millions d’euros d’économies.
Mais la réforme ne portera pas seulement sur le changement de gouvernance du rail français, il va aussi ouvrir le chantier d’une prochaine convention collective. Les partenaires sociaux vont enfin s’atteler à fixer les modalités de l’arrivée de la concurrence pour éviter des distorsions trop importantes des conditions de travail et de rémunération. La négociation pourrait durer d’un an et demi à deux ans.
Le statut, un sujet explosif
Le sujet est potentiellement explosif, mais la plupart des syndicats, pourtant peu favorables à l’ouverture au privé, ont compris qu’il fallait participer à la discussion plutôt que de laisser les concurrents fixer eux-mêmes leurs conditions.
La réforme qui va animer un débat parlementaire ces prochains mois est aussi suspendue au calendrier européen. La Commission va en effet examiner le «quatrième paquet ferroviaire», un ensemble de dispositions réglementaires européennes qui harmonisent les conditions de la libéralisation du rail. Ces prochains mois, Bruxelles va ainsi se prononcer sur la conformité du modèle de gouvernance «intégrée», choisi par la France, avec les règles européennes qui prônent une indépendance du gestionnaire d’infrastructures et de l’opérateur ferroviaire historique pour garantir une égalité de traitement à l’égard des concurrents. Mardi, le ministre des Transports va donc donner le coup d’envoi d’un gigantesque chantier.