Le 12 juillet 2013, le train Intercités 3657 déraillait en gare de Brétigny-sur-Orge (Essonne), tuant sept personnes et faisant plusieurs dizaines de blessés. Quatorze mois après l’accident, Réseau ferré de France (RFF), le gestionnaire des infrastructures, a été mis en examen lundi 15 septembre pour « homicides et blessures involontaires ». La SNCF est également convoquée devant les juges jeudi 18 septembre en vue d’une mise en examen pour les mêmes chefs.
Depuis l’ouverture de l’information judiciaire, plusieurs experts ont mis en cause la SNCF pour de nombreux problèmes de maintenance à l’origine du déraillement du train. Le dernier rapport, remis le 25 juin par les ingénieurs Michel Dubernard et Pierre Henquenet, experts près la cour d’appel de Douai (Nord), avait notamment constaté « un état de délabrement jamais vu ailleurs ».
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Les deux experts expliquaient que « le processus (…) s’est étalé sur plusieurs mois et a concerné l’ensemble de l’appareil de voie incriminé, sur lequel ont été relevées plus de 200 anomalies de divers degrés de criticité ». Des anomalies qui « étaient connues de la SNCF ou de ses agents, sans pour autant qu’il y soit remédié de façon adéquate ».
« Cette mise en examen va permettre à la SNCF d’avoir accès au dossier pénal et de confronter ces éléments avec le travail réalisé en interne, comme celui du Bureau d’enquêtes sur les accidents de transport terrestre », explique l’avocat de l’entreprise, Me Emmanuel Marsigny. « On ne fera pas de requête en nullité contre cette décision », expliquait pour sa part le directeur de la communication de RFF, Christophe Piednoel, avant l’annonce de la mise en examen du gestionnaire des infrastructures.
Le chef de mise en examen pour « mise en danger de la vie d’autrui » n’a pas été retenu pour RFF. Les magistrats chargés de l’enquête avaient demandé à pouvoir élargir leur saisine à cette infraction mais le parquet d’Evry avait estimé qu’il était encore trop tôt et que le dossier, en l’état, ne le justifiait pas, au grand dam des associations de victimes.
« PROCÉDURES COMPLEXES »
« C’est une organisation de la sécurité qui a été défaillante pendant des mois et des années, et pas uniquement le 12 juillet 2013 », explique Stéphane Gicquel, secrétaire général de la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs. « La SNCF a beaucoup communiqué, elle a surpris en jouant la transparence, mais les victimes attendent la vérité de la justice », ajoute-t-il.
Dès lors, les enjeux sont multiples. La SNCF contestera-t-elle sa mise en examen ? L’entreprise a toujours assuré que non. Demandera-t-elle une contre-expertise, au risque d’allonger encore la durée de la procédure ? Elle s’était en tout cas montrée critique sur les conclusions du rapport de MM. Dubernard et Henquenet. La SNCF et RFF avaient indiqué qu’ils « contestaient formellement tout état de délabrement du réseau, à Brétigny comme ailleurs ».
Des dirigeants de la SNCF et de RFF pourraient-ils être mis en examen ? La question ne se pose pas encore. Pour imputer une ou plusieurs responsabilités individuelles, il faudrait mettre en évidence une faute caractérisée et délibérée. Or, comme l’explique M. Gicquel, « le dossier n’a pas encore posé la question de l’organisation de la sécurité et des responsabilités de l’organisation de la maintenance. Et ces questions de sécurité sont l’objet de procédures complexes avec des jeux de délégation et des décisions collectives ».