Source : LE FIGARO, PAR BERTILLE BAYART, PUBLIÉ LE 27/02/2017 À 12:31, MIS À JOUR LE 27/02/2017 À 12:58. [1]
Le groupe ferroviaire a dégagé 567 millions d’euros de bénéfice net, malgré l’impact des grèves et des attentats. Il doit s’adapter au changement de modèle économique de son cœur de métier.
L’an dernier, la SNCF avait frappé les esprits en annonçant, pour l’exercice 2015 une perte nette de 12,2 milliards d’euros, conséquence de la dépréciation comptable massive opérée sur la valeur de l’infrastructure et du parc TGV. Cette année, rien de tel. Le groupe SNCF, formé par SNCF Mobilités, l’opérateur de transports, et SNCF Réseau, gestionnaire des rails, a dégagé en 2016 un bénéfice net de 567 millions d’euros.
Pour autant, l’année n’a pas été «business as usual». Les revers conjoncturels «ont pesé très lourd», concède son patron, Guillaume Pepy. La baisse de trafic résultant des attentats (400 millions), les grèves en réaction à la loi El Khomri (300 millions), les mauvaises récoltes qui ont affecté le fret, les inondations … se sont liguées pour amputer le chiffre d’affaires de la SNCF d’environ 1 milliard d’euros par rapport aux prévisions. Il s’établit à 32,3 milliards d’euros, en progression de 2,8%. Pas si mal … Sauf qu’à périmètre et taux de change constants, il baisse de 1,5%.
Surtout, cette évolution recouvre des dynamiques différentes. En France, à changes et périmètres constants, l’activité voyageurs voit son chiffre d’affaires reculer de 4,3%, tandis que celle de Gares et Connexions bondit de 11,6%. Pourtant, côté trafic, le train se porte plutôt bien, avec une croissance 3,7% en Ile-de-France, et de 1,9% pour le TGV (hors grèves). Seulement voilà, «le modèle économique change», explique Guillaume Pepy, en particulier pour la grande vitesse. Finie l’époque où leur chiffre d’affaires progressait deux fois et demi plus vite que le trafic, c’était il y a quinze ans. Fini aussi le temps où le développement du trafic était absorbé par la baisse des tarifs et le développement des petits prix. Aujourd’hui, la SNCF doit faire avec une «baisse nette des prix», explique son patron.
Obsédé par le contre-exemple Air France, le président de SNCF Mobilités veut prendre les devants, et mise sur le développement des offres low-cost qui ont connu en 2016 un bond de 76% du trafic.
PRIORITÉ POLITIQUE
À l’approche de l’élection présidentielle, qui est par définition une échéance clef pour une entreprise publique, la SNCF veut apporter la preuve de sa réactivité. Le low-cost en est un exemple: «nous nous adaptons à la transformation profonde du marché», explique Guillaume Pepy, «c’est pour nous une priorité depuis plusieurs années». Mais le groupe a aussi donné des gages sur le front des coûts. «À chaque chose, malheur est bon. Face à la conjoncture, nous avons durci en mars, puis de nouveau en septembre, notre plan d’économies. Les résultats sont là: nous avons atteint 825 millions d’euros d’économies, bien plus que les 750 millions initialement prévus», explique Guillaume Pepy. L’effort a porté sur les frais généraux, les dépenses industrielles du réseau, la productivité commerciale, la lutte contre la fraude … Mais il n’a pas suffi: «la marge opérationnelle est inférieure de 2 points à ce que nous avions espéré», convient Guillaume Pepy.
Le défi auquel la SNCF est confrontée sur le modèle économique de son activité voyage, bousculé par la concurrence du covoiturage et demain, d’autres opérateurs ferroviaires, se double de celui, considérable, qui se pose au réseau.
Il s’agit d’une part d’accélérer les investissements de rénovation trop longtemps laissés en jachère. «L’an dernier, nous avons investi 5,2 milliards, dont 2,8 milliards en renouvellement sur le réseau structurant. Il faut se souvenir que ce dernier chiffre était inférieur à 1 milliard dans les années 2000», explique Patrick Jeantet, qui préside SNCF Réseau. La SNCF est fière de pouvoir afficher un «taux d’événements de sécurité majeurs» en baisse de 28%. D’autre part, le réseau reste lesté d’une dette colossale, qui a encore enflé de 2,7 milliards d’euros l’an dernier, pour atteindre 44,9 milliards. La baisse des taux rend le fardeau un peu moins lourd à porter – «nous nous refinançons à moins de 1%», affirme Patrick Jeantet – mais les frais financiers sont énormes: 1,7 milliard l’an dernier. Évoquée l’an dernier, la reprise de dette du système ferroviaire par l’État a été enterrée par le gouvernement. Le contrat de performance conclu fin 2016 trace une trajectoire qui prévoit que cette dette augmentera encore de 17 milliards d’euros d’ici dix ans, et ce n’est qu’à ce moment-là qu’elle commencera à se stabiliser. «Le contrat de performance signé, pour dix ans, avec l’Etat fixe notre trajectoire en termes d’investissements, de revenus, et de productivité», poursuit Patrick Jeantet, «nous avons formé une hypothèse raisonnable d’évolution des taux, avec un coût moyen de la dette à 3% sur la période, contre 3,4% aujourd’hui».
Du fait, surtout, de cette dette, deux ans après le vote de la réforme ferroviaire, le groupe SNCF promet d’être pour le prochain exécutif un dossier chaud. Une priorité même, s’agissant d’un groupe dont le président Frédéric Saint-Geours rappelle qu’il est un «acteur majeur de l’économie française, qui, à travers ses achats, fait travailler 31.000 fournisseurs, soit 164.000 emplois». Un acteur aussi de la politique de l’emploi.
Le groupe public ferroviaire a certes réduit ses effectifs nets de 2.000 personnes l’an dernier, mais à l’échelle de l’ensemble du groupe SNCF, le solde net est équilibré du fait des embauches à l’international. La SNCF reste aussi un recruteur massif: plus de 12.000 personnes en 2016, dont plus de la moitié sont des jeunes sortis de l’école.